- Dracula l'Immortel - Dacre Stoker / Ian Holt - Michel Lafon Éditions
A commencer par le docteur Jack Seward devenu morphinomane depuis sa traque contre Dracula et la mort de Lucy Westenra - son éternel grand amour -, transformée à son tour en vampire. Depuis ce tragique épisode, le docteur Seward avait dédié son existence à combattre les Ténèbres. Et tant pis si son entourage le prenait pour un fou. Lui savait qu'il était dans le vrai. Cette quête le poussera à se rendre à Marseille où il apercevra la comtesse Bathory dans ses œuvres maléfiques. Cette découverte capitale devait lui permettre d'annoncer au monde entier que le Mal était toujours bien vivant, malgré la déliquescence supposée de Dracula. Une mystérieuse invitation pour une représentation de "Richard III" de Shakespeare joué par le célèbre comédien roumain Basarab au théâtre de l'Odéon à Paris confirmera à Seward que tout se jouera là-bas. Pour avoir osé braver la pernicieuse comtesse en prévenant l'acteur de ses funestes intentions, le docteur Seward le paiera de sa vie en étant mystérieusement renversé devant le théâtre parisien. "Brusquement un hennissement perça la nuit et Seward virevolta, horrifié, en constatant son erreur. Dans sa hâte à éliminer les deux pions, il avait oublié la reine noire, susceptible de l'attaquer de toute part. Surgissant du brouillard, la voiture sans cocher caracolait dans sa direction. Pris de court, le médecin fut renversé à terre et aussitôt broyé par le piétinement des sabots et des roues de l'attelage. Gisant sur le pavé, il comprit qu'il avait non seulement échoué aux yeux du Bienfaiteur, mais aussi aux yeux de Dieu. Sa honte se révélait bien plus grande que la douleur envahissant son corps meurtri. A travers les larmes qui lui brûlaient les yeux, il vit les femmes en blanc rattraper l'attelage et y grimper sans effort. La démone brune pris même le temps de se tourner vers lui en ricanant, avant de disparaître dans la berline".
A quelque temps de là, l'inspecteur Colin Cotford de Scotland Yard se rend à Whitechapel, le quartier de l'East End de Londres le plus pauvre, le plus miséreux et le plus dangereux de la capitale britannique, sur demande de son supérieur. La mort suspecte du docteur Seward intrigue la police française qui demande la collaboration des Anglais pour les aider dans l'enquête. Non pas que Cotford soit mauvais bougre, mais voilà vingt ans qu'il arpente ce quartier lugubre en tous sens. Et devoir s'y rendre une fois de plus pour tenter de dénicher des indices sur un médecin clochardisé écrasé par une berline à quatre chevaux fous, cela ne le passionne guère. Surtout que Colin Cotford a fait partie de l'équipe de l'inspecteur Frédérick Abberline qui a supervisé le dossier de Jack l'éventreur, jamais totalement éclairci. C'est d'ailleurs cela qui a troublé le quotidien de Cotford, alors qu'il avait été à deux doigts de mettre la main sur le monstre de Whitechapel. "Cotford se vit réserver un sort bien différent. A la suite du départ forcé d'Abberline, on rétrograda l'inspecteur, le privant ainsi de tout affaire criminelle ... et de la moindre perspective d'avancement. A l'époque, on soupçonna sa direction d'espérer le voir démissionner dans un sursaut d'honorabilité. Mais c'était compté sans son obstination. Ces cinq prostituées défuntes ne cessaient de le hanter. Tant qu'il ne serait pas parvenu d'une manière quelconque à réparer ses erreurs, il ne pourrait partir la conscience tranquille". Aussi, lorsqu'un double crime effroyable est commis à Whitechapel, l'inspecteur Cotford voit là l'ultime opportunité de se laver de l'échec subi vingt-cinq ans plus tôt avec Jack l'éventreur. Dès lors, il ne lâchera plus Mina Harker et Abraham Van Helsing - les derniers survivants de la traque de Dracula - persuadé qu'il est d'avoir retrouvé la trace de son meurtrier.
"Dracula, l'Immortel "de Dacre Stoker et Ian Holt est la suite imaginée par le petit-neveu de Bram Stoker, à partir des notes laissées par son grand-oncle. Tout laissait supposer que le père de Dracula avait décidé de poursuivre les aventures de son suceur de sang humain. Pour les spécialistes, les amateurs, les puristes, les amoureux inconditionnels du "Dracula" de Bram Stoker, les personnages apparaissant dans ce classique se retrouvent aussi dans "Dracula, l'Immortel". D'autres ont été créés pour l'occasion. Mêlant subtilement le romanesque et la réalité, Dacre Stoker fait participer son aïeul à cette aventure. Ainsi apparaît-il dès le début de l'intrigue en tant qu'administrateur du Lyceum, théâtre ayant appartenu à son ami le comédien Henry Irving. Ces bribes d'existence de Bram Stoker - autorisées par tous les descendants du romancier - permettent au lecteur de mieux connaître cet auteur de talent. Mais cela va bien au-delà de la simple admiration d'un petit-neveu pour son célèbre grand-oncle, puisque Dacre Stoker et Ian Holt repartent dans les pas de Bram Stoker et reviennent sur certains détails, non éclaircis dans "Dracula" et concernant les principaux adversaires du vampire. Ainsi, le lecteur comprendra enfin pourquoi Mina Harker conserve cette éternelle jeunesse, alors qu'autour d'elle tout le monde vieillit, se flétrit en prenant de l'âge. De même, on apprend que Jack Seward, Arthur Holmwood et Quincey P. Morris se sont rencontrés dans un prestigieux pensionnat londonien. Holmwood et Morris s'engageront dans la Légion étrangère, alors que Seward étudiera la médecine à Amsterdam auprès du Pr. Abraham Van Helsing. Toutes les lacunes, les vides, les manques laissés sans explication par Bram Stoker sont comblés dans "Dracula, l'Immortel". Mais cette suite officielle va plus loin encore, dans la mesure où il laisse à voir un vampire bien plus complexe que dans l'œuvre d'origine. Dacre Stoker et Ian Holt en font un descendant de Vlad l'Empaleur, voïvode roumain ayant combattu l'invasion turque et protégé le catholicisme dans son pays au 15ème Siècle. De fait, ce n'est plus un simple monstre assoiffé de sang humain qui vient planter ses canines acérées dans le cous de ses pauvres victimes, mais plutôt un aristocrate qui s'est battu pour protéger son pays et pour son indépendance. Et dans "Dracula, l'Immortel", le lecteur fera la connaissance avec la comtesse Elisabeth Bathory, cousine de Vlad l'Empaleur et monstre sanguinaire venant ternir la réputation de ce dernier par sa soif inextinguible de vengeance, de haine, de rancœur envers tous les humains. Il y a tout cela et plus encore dans "Dracula, l'Immortel", même la probabilité d'une éventuelle suite. C'est tout simplement un roman palpitant, fascinant, qui se lit d'une traite, sans longueur avec - en toile de fond - le Londres du début du 20ème Siècle, entre misère et opulence. Pour un peu, on relirait le "Dracula" de Bram Stoker. Ce que je finirai par faire depuis cette lecture réjouissante.
Un grand merci aux éditions Michel Lafon pour cette découverte pas évidente, puisque je ne suis pas une adepte de ce genre de littérature, mais à laquelle j'ai adhéré avec bonheur.
Tamara en parle ... D'autres ?! Merci de me le faire savoir par un petit commentaire ...
*Il est vivant